Le sentiment d’impuissance des soignants en soins palliatifs

soigner
Témoignages, bonnes pratiques | EMSP BEJUNE (NE) | 17 mai 2021
par Leila Glowacki, infirmière consultante à l'EMSP BEJUNE


Être confronté à des situations de soins palliatifs, c’est être confronté à la souffrance de l’autre, souffrance tant physique que globale (psychologique, sociale et spirituelle).

Malgré toutes les avancées médicales et paramédicales, nous ne sommes à l’heure actuelle pas (encore ?) capables de supprimer toutes les souffrances de l’être humain. Certaines douleurs cèdent mal aux antalgiques, certaines souffrances sont inconsolables. Et pour cause : nous parlons ici de prendre soin de personnes qui sont dans la dernière phase de leur vie, parfois trop tôt, parfois trop brusquement.
 
L’accompagnement apporté aux patients et leurs proches, l’empathie dont font preuve les soignants, créent un lien qui peut devenir très fort. Plus grand est l’investissement, plus grand devient le risque de surcharge émotionnelle. Pour les soignants, l’accumulation de la confrontation à ces situations, associée à la surcharge de travail (qu’elle soit physique ou émotionnelle) peut amener à ressentir un lourd sentiment d’impuissance. En effet, n’a-t-on pas choisi le métier de soignant (au sens large du terme) pour soigner, guérir, ou au moins soulager l’autre ? Alors quand on n’y parvient pas, cela veut-il dire que nous faisons mal notre métier ?

C’est lorsque notre idéal de soignant n’est plus atteint que le sentiment d’impuissance s’installe.

Selon Le Larousse, l’impuissance se définit ainsi : « manque de puissance, inefficacité, faiblesse ; incapacité pour faire quelque chose ». Dans les soins, cela renvoie alors une image très négative de nos propres compétences professionnelles.

Je voudrais donc rappeler ici quelques notions essentielles :
  • Le sentiment d’impuissance, notamment en soins palliatifs, est normal et, de plus, inévitable. Il est, entre autre, lié à la « contagion » de la souffrance de l’autre.
  • Il est souvent vécu par les soignants comme de l’incompétence et engendre souvent un fort sentiment de culpabilité (« il souffre car je ne peux pas l’aider, c’est de ma faute »).
  • Il est régulièrement partagé par les membres d’une équipe, même s’il n’est pas rare que les soignants n’en parlent pas spontanément entre eux.
 
Comment alors continuer à « prendre soin » dans ces situations :
  • Tout d’abord, il est primordial de reconnaître que l’on ressent ce sentiment d’impuissance et ainsi de l’assumer. En parler avec ses collègues est primordial. Ce faisant, les soignants se rendent rapidement compte qu’ils ne sont pas seuls à vivre cette difficulté.
  • Il n’est parfois pas possible de faire évoluer certaines situations difficiles comme on le souhaiterait en tant que soignant. Par exemple, comment faire pour que chaque patient « accepte » sa situation ? Comment imaginer qu’on puisse « accepter sa mort » si on a l’impression de ne pas avoir accompli tout ce qu’on avait à accomplir, quel que soit notre âge d’ailleurs ? Il est donc impératif que les soignants fixent des objectifs de soins qui soient atteignables, réalisables.
  • Souvent, le fait de partager la coréférence d’une situation complexe soulage les soignants qui peuvent alors également partager leurs difficultés mais aussi leurs ressources.
  • Le fait de développer ses savoirs et compétences professionnels est très important, par le biais de formations spécifiques.
  • Les temps de supervision, de soutien d’équipe et les analyses de situations sont d’une grande richesse. Le temps investi dans ces moments de partage permet aux soignants d’être non seulement plus confortables dans les situations et également plus efficients.
  • Tous les moments de partages, qu’ils soient formels ou informels, sont très précieux.
  • Enfin, il est très important de prendre soin de soi et de trouver des moments de ressourcement personnel, tant au sein de son travail que dans la sphère privée. Quelques rituels peuvent être mis en place, qui ne demandent pas un investissement majeur en terme de temps.
 
Ainsi en parle Jean-Michel Longneaux (2004) :

« … il s’agit en vérité d’apprivoiser l’innommable pour ne plus être «agi» par lui. Tant que l’on ne s’est pas réapproprié le mal, tant que l’on n’est pas parvenu à le nommer pour l’inscrire dans sa vie, tant que l’on n’a pas trouvé la force de le regarder en face (nommer, c’est mettre à distance) et de dire «ça m’est arrivé», il continue à distiller son poison, à maintenir ouverte la blessure »



Bibliographie :

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