L’IDENTIFICATION PRÉCOCE DU PATIENT NÉCESSITANT DES SOINS PALLIATIFS GÉNÉRAUX

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Ressources | EMSP BEJUNE (BE) | 19 septembre 2022
par Sonja Flotron, infirmière consultante à l'EMSP BEJUNE 

Le rapport sur la stratégie BEJUNE en matière de soins palliatifs insiste sur la pertinence d’une prise en charge palliative à un stade précoce. Il stipule que « l’identification précoce du patient constitue une étape préalable à un accompagnement palliatif de qualité ».

Que veut dire précisément par « identification précoce » ? 

C’est quand exactement ?
Et en quoi l’identification précoce influence-t-elle la qualité de la prise en soins ?


Pour bien comprendre les enjeux d’une identification précoce, il convient de se rappeler l’objectif des soins palliatifs. L’objectif est de « soigner » (to care) et de soulager le patient durant toutes les phases de la maladie. La priorité est le traitement des symptômes dans les quatre dimensions de l’être l’humain (physique, psychique, socio-culturelle et spirituelle). La finalité des soins palliatifs est de maintenir la meilleure qualité de vie possible, indépendamment du stade de la progression (ou stabilisation) de la maladie et du pronostic estimé.

Mais qu’est-ce que la « qualité de vie » ? 

L’appréciation de la qualité de vie de chaque patient est individuelle, fluctuante, des fois surprenante et imprévisible, néanmoins toujours reliée au vécu et aux circonstances actuelles.  Il parait évident que seul le patient peut - à chaque instant de son parcours - définir, développer et exprimer une vision de « sa » qualité de vie à un moment donné.

En même temps, le patient lui-même ne va pas parler de « qualité de vie ». La plupart du temps, il va manifester verbalement et non-verbalement son désarroi, son mal-être physique et moral, ses espoirs et/ou peurs ; ces perceptions sont souvent accompagnées d’un sentiment diffus de « pertes » et de « déficits »; ceux-ci peuvent toucher la dimension physique, psychique, socio-culturelle et spirituelle. C’est à l’équipe interprofessionnelle d’observer attentivement ces signaux et – surtout – de les saisir à tout moment.

A quel moment faut-il se poser la question si un patient pourrait bénéficier des soins palliatifs ? 

Au début d’un diagnostic d’une maladie chronique ou potentiellement incurable, la priorité sera – en règle générale - mise sur les traitements de la cause. L’objectif de soins des professionnels de la santé et l’espoir du patient sont de guérir ou au moins ralentir l’évolution de la maladie. Dans un monde idéal, des brèves informations sur la notion de « soins palliatifs » devraient être données en même temps que l’annonce du diagnostic. Ce que la plupart de la population ignore (et bien des professionnels) : les objectifs de traitements médicamenteux et non médicamenteux de soins dits « curatifs » et de soins « palliatifs » peuvent se compléter, se chevaucher et se renforcer mutuellement.

Nous pouvons distinguer – d’une manière simpliste et très schématisée - 3 types d’évolution de maladie :
  1. Les maladies de type cancer
  2. Les maladies de type « défaillance organique » (cardiaque, rénale, pulmonaire, métabolique, hépatique)
  3. Les maladies neurodégénératives (démence, SLA, Parkinson, …)
  

1. L’évolution schématisée des maladies de type cancer

 
Au début de la maladie, le champ curatif est étendu. L’état général peut rester relativement stable pendant plusieurs mois, voire des années (cancer chronique). En même temps, le patient et les proches auront des besoins spécifiques pour maintenir une certaine qualité de vie. Par exemple le patient, sous traitement, perdra peut-être ses cheveux. Pour pallier la perte d’image de soi, on lui proposera l’achat d’une perruque. Les proches peuvent se voir confronter à des problèmes financiers ou des démarches administratives qui les épuisent et les inquiètent davantage.

2. L’évolution schématisée des maladies de type « défaillance organique »

 
Au début de la maladie, le bien-être du patient est fréquemment déjà altéré. C’est souvent la raison pour laquelle il consulte son médecin et accepte des examens et investigations conséquentes. Le champ palliatif augmente progressivement au fil de l’évolution de la maladie, avec quelques pics d’alerte. Chacune d’entre eux est susceptible de péjorer l’état général de santé du patient à un tel point qu’il pourrait se trouver « propulsé » en phase terminale.


3. L’ÉVOLUTION SCHÉMATISÉE DES MALADIES NEURODÉGÉNÉRATIVES

 
Au moment du diagnostic, la qualité de vie du patient est généralement déjà amoindrie. Les besoins spécifiques peuvent déjà être nombreux. Le champ palliatif prend dès le départ une place importante. Le patient peut souffrir de symptômes gênants, les proches auront peut-être besoin d’une orientation dans les structures de soins et de soutien pour éviter l’épuisement, un réseau social doit être constitué et la coordination planifiée. Le champ curatif diminue progressivement.

En résumé, l’identification d’un patient nécessitant des soins palliatifs débute avec le diagnostic d’une maladie incurable et/ou chronique. Cette information est la première indication et doit constituer un « drapeau d’alerte » en équipe interprofessionnelle.



Les schémas précédents démontrent que les professionnels ont tout intérêt d’évaluer régulièrement, à l’aide d’un outil spécifique de dépistage, les interrogations et soucis du patient et de ses proches. C’est à l’équipe interprofessionnelle d’observer attentivement les signaux et (oser) examiner le mal-être par des questions ouvertes, les « poser sur la table » et en discuter avec le patient. C’est la responsabilité du professionnel de « traduire » les expressions de mal-être en langage médico-soignant de « besoins et attentes », « projet de vie » et « objectifs de soins ».  


Comment l’identification précoce influence-t-elle la qualité de la prise en soins ?

Une identification précoce d’un patient nécessitant des soins palliatifs donne le temps nécessaire pour garantir des soins adaptés aux besoins du patient et de ses proches. Elle permet aux différents intervenants de clarifier avec le patient l’objectif thérapeutique, de proposer des prestations de soins palliatifs généraux , de les coordonner et – action primordiale en soins palliatifs - d’anticiper les interventions nécessaires. Elle diminue les interventions de crise stressantes, souvent peu efficaces, et épuisantes pour tous. Elle augmente le succès d’un accompagnement aussi serein que possible et offre un cadre plus sécurisant aux patients et à leurs proches.

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