La pudeur dans les soins palliatifs

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Témoignages, bonnes pratiques | EMSP BEJUNE (JU) | 20 mai 2022
par Danièle Graber, infirmière consultante à l'EMSP BEJUNE

La pudeur est un sentiment qui se caractérise par une discrétion, une retenue, une réserve, une honte, une délicatesse. Dans la plupart des cas, la personne s'autocensure, et s'empêche de dire ou de faire quelque chose qui peut la dévoiler, blesser la modestie, la décence.

Éric Fiat, professeur de philosophie, parle d’une vertu du clair-obscur. C’est se dévoiler sans trop se découvrir et ainsi se protéger. Cela permet à l’autre d’entrevoir, de deviner ce que la personne souhaite conserver pour soi.

La question de la pudeur a toute sa place dans une réflexion sur les soins palliatifs. Cette notion ne peut être réduite à celle des soins corporels, la vie intérieure, territoire secret reste parfois le seul espace d’existence durant la maladie.

La pudeur fait partie intégrante de toutes relations humaines et elle joue un rôle dans la propriété d’un espace interne afin de maintenir un écart par rapport à l’autre. Et pour certain·e·s, le risque est simplement trop grand avec les questions : et si on me jugeait et surtout, si on me jugeait mal ? A un moment où l’espace intime est exposé et regardé par les soignants, où le patient et sa famille sont invités à partager ce qu’ils vivent et pensent, la pudeur vient faire limite et garantir un espace personnel.

Le respect de la pudeur permet la reconnaissance, de renforcer son intégrité, de confirmer sa valeur humaine et sa dignité.

Un des principes en soins palliatifs est la notion de dignité (respect de la personne et de son intimité). Le respect de la pudeur de la personne en fait partie intégrante avec d’autres valeurs (prise en soin globale, authenticité, écoute).

L’intimité dans les soins est d’autant plus importante qu’une dégradation physique est bien souvent présente. Cette diminution de l’autonomie nécessite une approche et des soins au corps accrue. Le soignant est témoin proche des sentiments, des émotions parfois ambivalentes de la personne atteinte dans sa santé. Il en est de même concernant les membres de la famille. Cela est parfois vécu avec violence par le soignant qui touché, se protégera par des mécanismes de défense de manière consciente ou non.

Les mécanismes de défense peuvent être mis en place par la personne malade, son entourage et les soignants. Ces mécanismes sont des réactions protectrices inconscientes. Ils sont naturels et permettent de surmonter des situations vécues comme difficiles. Le déni, terme fréquemment utilisé, est un mécanisme psychique par lequel la réalité même d’une perception est annihilée afin d’éviter des souffrance et angoisse.
  • Pour les patients, la régression, la négation, la dissociation sont les plus courants.
  • Le mensonge, la banalisation, la fuite en avant sont le plus couramment retrouvés chez les soignants.
La liste des mécanismes notés, n’est pas exhaustive. La présence d’anxiété incite l’utilisation des mécanismes de défense.

Prendre conscience et reconnaître un mécanisme de défense prédominant est utile pour chaque soignant. Par exemple, l’évitement, permettrait d’en parler avec une et/ou un collègue de confiance qui attirera votre attention sur votre manière de contourner l’entrée dans une chambre et/ou de ne pas aborder certains sujets avec un patient.

Frapper à la porte, attendre la réponse, solliciter l’accord du patient ou de son accompagnant pour la présence des étudiants, masquer la nudité autant que possible, fermer la porte lors des soins, etc., sont basiques et nécessaires.

Trouver la bonne proximité (distance) avec la personne soignée en soins palliatifs demande de l’humilité et une attitude réflexive. Le but est de permettre, tout en respectant la pudeur de la personne, une ouverture sur son intimité profonde et de rester à son écoute avec empathie sans être intrusif.

Lorsqu’une personne atteinte dans sa santé s’autorise à exprimer un sentiment de honte devant son corps meurtri, cela peut lui permettre à mieux vivre la prise en soin grâce à ce partage et permettre un apaisement, une diminution de l’anxiété, voire une meilleure compréhension de son vécu et celui de ses proches.

Etre à l’écoute, entendre les craintes, les souffrances et développer une relation de confiance favorisera les échanges. Chaque situation est différente ou particulière et il est de la responsabilité de chaque soignant de se questionner sur soi et ses relations à l’autre.



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